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La femme est-elle propre ? Quand Françoise Giroud frottait là où ça faisait mal

La femme est-elle propre ? Quand Françoise Giroud frottait là où ça faisait mal

En 1951, Françoise Giroud publie dans ELLE un article au titre aussi frontal qu’un gant de crin : La femme est-elle propre ? Une enquête qui fit scandale, une question qui sentait le soufre, et une vision de la féminité qui, aujourd’hui, nous semble aussi poussiéreuse qu’un bidet en faïence. Retour sur un texte culte, entre exégèse et exfoliation.

1951, scandale dans les salles de bain

À l’automne 1951, ELLE ne parle pas de mode, ni de recettes, ni de coiffures. Non, le magazine interroge ses lectrices sur leur hygiène corporelle. Et pas avec des pincettes. L’article signé Françoise Giroud s’appuie sur une enquête IFOP composée de 11 questions posées à un échantillon représentatif de femmes françaises.

Voici ces questions, accompagnées des réponses telles qu’elles furent publiées à l’époque :

1. Est-ce que vous vous démaquillez tous les soirs ?         
OUI 40% | NON 60%

2. Procédez-vous à une toilette tous les jours ? OUI à 52%
Deux fois par semaine ? OUI à 11%
Toutes les semaines ? OUI à 23%
Moins souvent ? OUI à 14%

3. Vous lavez-vous les cheveux toutes les semaines ? OUI à 11%
Tous les 15 jours ? OUI à 13%
Tous les mois ? OUI à 39%
Moins souvent OUI à 25%

4. Vous servez-vous d’une brosse à ongle ?
OUI 48% | NON 52%

5. D’un bidet ?
OUI 62% | NON 38%

6. De désodorisant ?
OUI 54% | NON 46%

7. Changez-vous de culottes tous les jours ? OUI à 17%
2 fois par semaine ? OUI à 53%
Toutes les semaines ? OUI à 29%
Moins ? OUI à 1%

8. Lavez-vous gaine et porte-jarretelles tous les mois ? OUI 56%
Tous les 2 mois ? OUI à 17%
Tous les 5 ou 6 mois ? OUI à 21%
Jamais ? OUI à 6%

9. Vous lavez-vous les dents deux fois par jours ? OUI à 17%
1 fois par jour ? OUI à 30%
De temps en temps ? OUI à 18%
Jamais ? OUI à 15%

10. Avez-vous une permanente ?
OUI 64% | NON 36%

11. La renouvelez-vous 3 fois par an ? OUI à 6%
2 fois par an ? OUI à 24%
1 fois par an ? OUI à 34%


 

Les résultats de l’enquête publiée dans ELLE révélait des pratiques d’hygiène féminine bien éloignées des standards actuels ! Seules 40 % des femmes se démaquillaient chaque soir, 52 % se lavaient entièrement chaque jour, et à peine 17 % changeaient de culotte quotidiennement. Le lavage des cheveux était mensuel pour près de 40 % des répondantes, et le brossage des dents deux fois par jour ne concernait que 17 % d’entre elles.

Ces chiffres, aujourd’hui surprenants, s’expliquent par des conditions matérielles précaires : peu de salles de bain, peu d’eau chaude, et des vêtements contraignants comme les gaines et porte-jarretelles, lavés rarement. Pourtant, l’usage du bidet (62 %) et du désodorisant (54 %) montre une conscience hygiénique déjà présente.

En 2025, l’hygiène est devenue une norme sociale forte : la toilette quotidienne est quasi universelle, le démaquillage un rituel, les soins dentaires systématisés. Mais cette évolution s’accompagne d’injonctions nouvelles : performance corporelle, pression esthétique, consommation de produits.

L’enquête de 1951 ne mesure pas seulement la propreté : elle révèle la place des femmes dans une société en mutation. Aujourd’hui, si les pratiques ont changé, le corps féminin reste un territoire normé — entre émancipation et contrôle.

Giroud ne se contente pas de publier les chiffres : elle les interprète, les commente, les politise. Elle parle d’un "retard culturel", d’un "manque de conscience hygiénique", et surtout, elle lie la propreté à la féminité. Être propre, c’est être moderne, civilisée, presque digne. L’article, bien que pionnier dans sa frontalité, est aussi imprégné d’un regard normatif, presque moralisateur.

Et le scandale ne tarde pas. Les lectrices s’indignent, les journalistes s’écharpent, les salons parisiens s’agitent. On accuse Giroud de voyeurisme, de mépris social, de sexisme paradoxal. Mais elle tient bon. Elle veut faire bouger les lignes, même si cela implique de les gratter un peu.

 

2025, la propreté revisitée — entre précarité et performance

Aujourd’hui, poser la question "La femme est-elle propre ?" relève presque du gag. Et pourtant, les chiffres continuent de parler. En 2020, une étude IFOP révèle que 81 % des Françaises se lavent entièrement tous les jours, contre 71 % des hommes. La tendance s’est inversée : ce sont désormais les hommes qui traînent la savate sous la douche.

Mais en 2025, la question de l’hygiène féminine prend une nouvelle tournure sociale. Le dernier baromètre IFOP sur l’hygiène et la précarité montre que 47 % des Français limitent leurs achats de produits d’hygiène pour des raisons budgétaires. Chez les femmes menstruées, 16 % déclarent ne pas disposer de protections hygiéniques suffisantes pour elles-mêmes ou leurs filles. Cela représente 2,9 millions de femmes en situation de précarité hygiénique. Et 13 % ont déjà utilisé des substituts (papier toilette, tissu...).

Le Larousse médical des années 50 recommandait que "la douche ou le bain peuvent être hebdomadaires", et parlait de « soigner sa façade ». Une façade, donc. Pas un corps vivant, pensant, souffrant. Juste une vitrine à entretenir.

Aujourd’hui, cette façade est devenue un champ de bataille. Entre les injonctions à la pureté et les réalités économiques, l’hygiène est à la fois un luxe et une pression. Et si l’on refaisait l’enquête de Giroud aujourd’hui ? On obtiendrait des réponses plus nuancées, plus variées, mais aussi plus inquiétantes. Car si l’accès à l’eau chaude est quasi universel (98 % des foyers aujourd’hui contre 51% dans les années 50), l’accès aux produits d’hygiène ne l’est pas. Les familles monoparentales, les jeunes, les précaires sont les premières victimes d’une hygiène à deux vitesses.


 

De la salle de bain au Sénat — une trajectoire féministe

Et Françoise Giroud, dans tout ça ? Après avoir secoué les consciences avec son article de 1951, elle poursuit une carrière brillante. En 1974, elle devient la première secrétaire d’État à la Condition féminine, nommée par Valéry Giscard d’Estaing. Elle y présente 100 mesures pour améliorer la vie des femmes, dont 80 sont adoptées par le Conseil des ministres.

Son objectif ? "Conduire progressivement la moitié des Français au niveau de formation, de rétribution, d'intégration à la vie sociale et économique et de responsabilités où se trouve l'autre moitié."

Giroud ne voulait pas que les femmes soient seulement propres. Elle voulait qu’elles soient libres, visibles, puissantes. Son parcours, de journaliste provocatrice à femme politique engagée, incarne cette tension entre le corps et la parole, entre l’intime et le public.

Alors oui, son article de 1951 peut nous faire sourire, grincer, lever les yeux au ciel. Mais il nous rappelle aussi que parler du corps des femmes, c’est toujours parler de leur place dans la société. Et que même une question aussi simple que "La femme est-elle propre ?" peut ouvrir la porte à des débats bien plus profonds.

Alors, que dirait Françoise Giroud si elle lisait cet article aujourd’hui ? Peut-être qu’elle hausserait un sourcil, qu’elle allumerait une cigarette, et qu’elle dirait : "Au moins, on en parle encore." Et c’est vrai. Parler du corps, de ses usages, de ses représentations, c’est toujours politique. Même quand il s’agit de savon.